• La question des connexions de temps dans les situations de co-intervention d’après Marie Toullec-Théry 3/4

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    Analyse d’une situation d’intervention en tandem

     

    La question des connexions de temps dans les situations de co-intervention d’après Marie Toullec-Théry 3/4Pour analyser ce type d’intervention, je m’appuierai sur une séance de production d’écrit autour de l’album « Le loup qui voulait changer de couleur », réalisée avec des CP en période 1 (séquence ici, il s’agit de la séance 4). Cette séance a été filmée et analysée par une collègue qui travaillait sur le co-enseignement pour son master, ce qui m’a permis de prendre un peu de recul sur les rôles alternatifs de chacune d’entre nous, et ce qui se jouait dans ce type de travail partagé.

     

    Dans cette séance, les élèves  devaient écrire une version personnelle du « Loup qui… » en complétant une structure répétitive alternativement par des mots dont ils disposaient dans la classe ou qu’ils devaient encoder. Cette séance a donc lieu dans la classe, en classe entière. Cette séance avait été préparée conjointement, et je menais le démarrage.

    Lors du passage des consignes, j’ai fait référence aux séances passées vécues ensemble, mais aussi aux aides disponibles pour les élèves : affiches de la classe (jours de la semaine, affiches sons, affichages lexique temporaire).
    Lors de l’explication de la stratégie pour encoder, j’ai repris la procédure que j’avais vu la maitresse employer lorsqu’elle faisait classe. Il n’est pas rare que lors des séances à 2, on se questionne sur une terminologie habituellement employée (son ou bruit des lettres ?), sur l’exigence attendue habituellement (écriture script ou cursive pour tel élève ?) ou sur la manière de réajuster la séance par moment (gestion du temps, des étapes, réorientation…).
    Lors du passage auprès des élèves pour les accompagner dans leur écriture, nous avons aussi une oreille sur ce que l’autre enseignant peut dire, afin de s’assurer que l’on « reste toujours sur la même longueur d’onde ». Souvent, l’enseignante de la classe relie le travail fait ensemble à ce qui s’est déjà déroulé dans la classe, sans moi, ou ce qui s’y fera ensuite.

    Travailler ensemble la même situation d’apprentissage revient à faire avancer les objets de savoir sur un seul axe du temps didactique. Les élèves bénéficient tous du même enseignement, même si la tâche est différenciée pour certains. Les enseignants forment une équipe constamment en dialogue (avant, pendant, après) pour faire avancer ce temps. Les outils habituels de la classe peuvent être employés, sollicités par le maitre de la classe ou le PMQC qui les connait à force de fréquenter l’espace de la classe. Les élèves sont massivement investis dans la tâche et sollicités. La rétroaction est très rapide et permet de recentrer immédiatement sur les bonnes stratégies.

    Bien sûr, cette configuration n’est pas exempte de quelques risques ou inconvénients. Il faudrait prêter attention à se « répartir » les élèves à aider afin de ne pas multiplier les interventions inutilement, et pointer ensemble les élèves prioritaires à accompagner plus que les autres. Nous avons un peu de mal à y penser dans notre préparation. Enfin, malgré notre vigilance, il peut arriver que l’on se contredise dans nos interventions individuelles, pour des détails certes, mais qui peuvent quand même déstabiliser les élèves.

    L’un des autres risques que je vois est celui du sur-étayage, qui crée parfois l’illusion de la réussite. En gros, il ne faut pas confondre le « produit fini » et le chemin pour y arriver. Lorsque l’on enlève la béquille, on a parfois de grosses surprises (mauvaises les surprises…).

     

    Analyse d’une situation d’intervention en atelier

     

    La question des connexions de temps dans les situations de co-intervention d’après Marie Toullec-Théry 3/4Pour illustrer cette situation, je m’appuierai sur les séances de résolution de problème que je menais l’an passé avec les cycles 3. Les séances s’appuyaient sur une méthodologie développée par Christian Henaff, dans son ouvrage « Résoudre des problèmes au CE1 » que j’avais tenté d’adapter aux classes de cycle 3. Nous avions choisi de dédoubler les classes afin de pouvoir mener un travail de manipulation et de verbalisation plus aisément ; en parallèle l’enseignante de la classe menait un travail différent avec son groupe restreint d’élèves.

    Concrètement, les élèves venaient dans ma classe, et je leur dispensais un enseignement spécifique, que j’avais préparé seule après une rapide concertation avec la titulaire. Cet enseignement était relativement ritualisé et codifié (affichages, formules employées, stratégies de résolution).

    Nous avions bien cerné les avantages d’une telle configuration, mais les risques et inconvénients nous avaient échappé. En effet, ces séances se trouvaient parfois complètement décrochées du temps didactique de la classe, par défaut de connexions.

    Manque de connexion de la classe vers l’atelier : il m’est par exemple arrivé de proposer aux élèves des problèmes dans lesquels l’opération qu’ils devaient réaliser n’avait pas été encore vue en classe.

    Manque de connexion de l’atelier vers la classe : Les stratégies de résolution n’étaient pas réinvesties en classe, car non familières de la titulaire ; même si les affichages transitaient, leur utilisation était cantonnée pour les élèves au travail avec moi. Le sens des 4 opérations était abordé tout au long de l’année pendant l’atelier problèmes, mais il était revu comme une découverte lors de l’étude de la division par exemple, sans que les apprentissages réalisés en atelier soient mobilisés en classe.

    Pour Marie Toullec-Théry, « la non connexion des temps didactiques entre la classe et l’atelier peut faire que ce qui est appris en atelier ne soit pas reconvoqué en classe, les objets de savoir de l’atelier n’étant pas désignés en classe comme un savoir « légitime ». Les élèves les moins avancés ne se saisissent alors pas de ce qu’ils savent déjà pour l’introduire dans des situations inédites. Ils « errent dans un présent sans cesse recommencé » (Toullec-Théry & Marlot, 2013) comme si toute situation rencontrée était une nouveauté pour eux. »

    On voit dans ce cas précis qu’il y a « allongement du temps d’enseignement ». La même chose est enseignée 2 fois, par méconnaissance de ce qui est réalisé par l’autre enseignant. 

    Nous avons pris conscience de cette faille, et si nous continuons à utiliser la même démarche en résolution de problèmes, c’est maintenant dans la configuration « en tandem » et « les 2 aident ». Cependant, nous pratiquons toujours certaines interventions en atelier, mais en ciblant des compétences précises, sur un temps restreint, et en étant beaucoup plus claires sur ce qui est travaillé lors de ces temps afin de pouvoir faire les liens nécessaires avec le travail de classe.

     

    Analyse d’une situation en dédoublement de classe

     

    La question des connexions de temps dans les situations de co-intervention d’après Marie Toullec-Théry 3/4Nous avons il y a peu utilisé cette configuration avec ma collègue de CE1, en production d’écrit. Nous travaillons habituellement en tandem, mais nous avions cette fois l’objectif de faire inventer puis écrire des questions sur un texte documentaire : la girafe.

    La même séance était prévue avec chaque demi-classe, sur le même créneau. Dans un premier temps, travail oral de compréhension autour du texte de la girafe puis, relevé des « mots des questions » (où, qui, comment…) au tableau. La forme orale des questions avait été travaillée à l’oral sur des temps de langage, et nous avions travaillé à l’écrit sur la formulation de phrases réponses, ainsi que sur le type d’information attendue selon le pronom ou adverbe interrogatif. Ensuite, les élèves proposaient oralement des questions sur le texte, que l’on négociait en collectif : formulation, sens, réponse dans le texte. Enfin, les élèves rédigeaient un certain nombre de questions individuellement, en proposant à chaque fois la réponse attendue à chacune de leurs questions.

    La configuration « parallèle » avait un double avantage : permettre davantage de temps de verbalisation à chaque élève, et permettre une certaine confidentialité avant d’échanger ses questions avec l’autre partie de la classe.

    Les élèves devaient donc bénéficier de la même séance, du même enseignement. D’ailleurs, leurs travaux en fin de séance sont assez similaires, la tâche étant assez fermée. Pourtant, en débriefant la séance avec la collègue, nous nous sommes rendu compte que nous n’avions pas forcément insisté sur les mêmes points, eu les mêmes exigences à certains moments. Je me souviens que j’avais explicitement évoqué l’inversion sujet/verbe alors que ma collègue avait laissé l’imprégnation de l’oral faire son effet. Dans mon groupe, une élève avait écrit « Est-ce-que elle mange des feuilles ? », et j’ai donc marqué un arrêt pour parler de l’élision, dans ce cas et dans un cadre plus large. Ma collègue de son côté a rebondi sur d’autres sujets, qui lui semblaient importants ou apportés par les élèves qu’elle avait en charge.

    Finalement, là encore, il y a eu 2 systèmes didactiques parallèles, avec beaucoup de connexions (travail sur une même situation) mais aussi quelques déconnexions imprévues (avec une attention à des objets différents). D’où la nécessité d’un temps collectif en groupe classe complet tout de suite après.

    article 4/4 samedi 21/03 

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  • Commentaires

    1
    Samedi 21 Mars 2015 à 15:39

    Je viens de lire tes 4 articles d'affilée, et c'est très instructif. Merci pour ce partage!

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    2
    Samedi 21 Mars 2015 à 16:14

    Quel courage, surtout aujourd'hui, lendemain d'hier! wink2

    Merci!

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